Pour débuter cette nouvelle année à Passages s’ouvrent deux expositions monographiques par Marie-Mam Sai
Bellier et Nadine Monnin, respectivement intitulées L’Amour en Cage et Manoeuvre.
Deux expositions par deux artistes de générations différentes, qui s’inspirent d’une nature observée, manipulée,
réinterprétée, sans concession et sans filtre.
L’AMOUR EN CAGE – MARIE-MAM SAI BELLIER
Née en 1994, diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux- Arts de Lyon, Marie-Mam Sai Bellier, typographe, graphiste et chercheuse d’origine française et gambienne installée à Paris, vise à explorer de nouvelles voies créatives dépassant les limites de l’alphabet latin. Membre de Bye Bye Binary et enseignante à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, elle s’intéresse à la relation des contenus et des symboles, notamment dans certaines écritures africaines. Elle mentionne la « torsion » comme un élément fondamental de sa recherche, tant dans la création des écritures non binaires, que dans la matérialité de sa pratique artistique (tordre le verre ou le métal). Les idéogrammes ou les pictogrammes lui offrent une dimension artistique et émotionnelle plus profonde, en questionnant le texte et l’ornement comme matière universelle, poétique et politique. En résulte une exposition riche et subliminale, qui puise dans les théories de l’art nouveau et tente de réconcilier l’art décoratif, la sculpture, le design et l’artisanat, en y ajoutant une dimension queer et émancipatrice.
L’Amour en Cage trouve sa source au sein d’une résidence à Passages, au printemps 2023, qui permet à Marie-Mam Sai Bellier, avec Clara Pasteau, d’observer l’environnement du Centre d’art dans l’objectif de refondre l’identité graphique de Passages.
Très vite, il leur apparait que la mémoire ouvrière et artisanale de Troyes occupe une place importante dans l’histoire de la ville et continue d’irriguer jusqu’aujourd’hui les pratiques et les usages de la population locale. Les formes dessinées pour cette nouvelle identité comportent à la fois une dimension physique, avec des dessins conçus pour être sculptés, et digitale, à partir d’éléments liés à la place d’un centre d’art dans la cité.
Le langage symbolique propre à la Ville de Troyes est ainsi réinterprété, pour donner lieu à la charte graphique utilisée par Passages aujourd’hui.
Sélectionnée en 2024 pour une résidence au Centre Européen de Recherche dans les Arts Verriers en Lorraine, elle développe là-bas, dans la lignée de la résidence troyenne, une série de sculptures idéographiques en verre présentées à Passages et à la maison de l’Outil et de la Pensée Ouvrière de Troyes.
Grâce aux savoirs faire locaux et à un partage des compétences dans les domaines du textile et des métiers des arts du feu sur le territoire, elle crée des icônes pop, symboliques, poétiques, comme autant de facettes de l’artiste.
Maëla Bescond
Partenaires : Centre Européen de Recherches et de Formation aux Arts
Verriers (Vannes-Le-Châtel), Art et Forges (Troyes), Bugis (La Rivière-de-Corps), Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière
(Troyes)
MANOEUVRE – NADINE MONNIN
Nadine Monnin, née en 1950, est une artiste visuelle formée à l’École Supérieure d’art moderne de Paris basée à Vendeuvre-sur-Barse, près de Troyes, et qui opère, entre autres, dans le champ de la photographie.
Nadine Monnin voyage depuis longtemps, en Europe du Nord, en Amérique centrale, ou encore en Bretagne, où elle photographie dès la fin des années 1990 les grandes marées et plus particulièrement la laisse de mer. Ainsi, des coquillages, des petits animaux marins, du bois flotté, viennent se mélanger aux algues qui forment des amas sur les plages du Finistère, et dans lesquels l’artiste vient prélever des close-up presque abstraits, reformant des petits paysages contenus dans le format d’oeuvres présentes à Passages.
Depuis une vingtaine d’années, elle imprime ses images à la gomme bichromatée avec une émulsion photosensible, la photographie originale n’étant plus qu’une étape lui permettant de faire évoluer ses négatifs en processus complexes. Dans les tirages présents ici, plusieurs passages sont nécessaires et combinent une technique du 19ème siècle et le numérique. Le résultat, toujours incertain, est composé de bichromate de potassium et de pigment en poudre.
Les images d’origine sont donc toujours travaillées, en plusieurs étapes, pour réunir in fine les éléments visuels de ce procédé non argentique, très low tech. Cet ensemble d’une quinzaine d’oeuvres encadrées, proche du cinéma expérimental et dans lesquelles on aperçoit une sensibilité pour l’eau, la lumière et le végétal, exprime aussi une tendance de l’artiste à l’observation silencieuse de ce qui se déroule devant nous. Les photographies de Nadine Monnin figent des instants dans une neutralité camusienne, paisible, dans un interstice visuel ouvert aux multiples interprétations.
Une façon aussi, aujourd’hui, de recréer des paysages où le calme, et peut-être un peu d’espoir, dominent et prennent le pas sur un
monde trop turbulent, trop rapide, depuis la posture humble et sans filtre de l’artiste.
Ouverture au public du mercredi au dimanche de 12h00 à 18h00